Aujourd’hui je vais te présenter Pedro, celui qui m’accompagne depuis le début de mon périple. Tu pensais que j’étais partie seule, pourtant. Je t’explique…
Tu pars seule en voyage ?
C’est la question qu’on m’a le plus posée avant mon départ. C’est aussi devenu mon sujet de discussion favori : partir en voyage seul(e). Tout un programme. Mais, tu n’as pas peur ? Car oui, la solitude et la peur sont souvent associées lorsqu’il s’agit de voyage, surtout pour la gent féminine.
Quand tu annonces fièrement que tu pars à l’aventure en solitaire, tu lis la peur dans les yeux de tes interlocuteurs. C’est en tout cas ce que j’ai cru déceler très fréquemment. Parce qu’en plus, j’avais l’audace de dire que je partais en Amérique latine. Alors là, c’est la débandade de clichés, cette partie du monde ayant encore malheureusement très mauvaise presse.
À tel point que je finissais par ressentir moi-même une certaine angoisse et à me demander si c’était sérieux de partir comme ça. Alors, j’ai décidé de déjouer la peur ambiante avec une touche d’humour. Dorénavant, quand on me demande si je voyage seule, je réponds que non, je voyage avec Pedro.
« Ah ouais, cool, c’est qui Pedro ? – Mon sac à dos ! ».
Et là, on peut se détendre la nouille. Ça fait sourire, ciao la trouille.
Tu te souviens, j’évoquais dans le numéro précédent qu’au début de mon aventure, j’associais la liberté à l’absence de peur. C’était lié à toutes ces questions qu’on me posait sur mon voyage. Beaucoup m’ont confié leur rêve de partir loin, en solo ou accompagné(e), puis ont sorti une liste d’excuses, la frousse en numéro 1.
Si tu voyages seul(e) ou prévois de partir, n’hésite pas à parler de Pedro, ça marche à tous les coups !
La peur, c’est celle des autres
Contrairement à la phobie, une réaction irrationnelle qui se joue du côté de l’inconscient, la peur est elle consciente, mais souvent infondée, ou au mieux fondée sur des idées reçues. Si j’affirme ça ici, c’est qu’aucune personne m’ayant demandé si j’avais peur de partir seule en Amérique du Sud n’y était elle-même allée…
Les fondements de cette chocotte : les médias et le bouche-à-oreille. Si le premier cherche justement à effrayer, le deuxième est déformé par une répétition approximative des faits. J’ai entendu dire une fois que c’était dangereux de partir seule en voyage. Se balader seule à Paris dans certains quartiers peut l’être aussi. De quoi a-t-on vraiment peur finalement ?
La peur paralyse, retient, nous freine dans notre élan (et nos rêves). Bien sûr, j’avais peur de l’inconnu, c’est la première fois que je partais si loin et si longtemps. En fait, je dirais plutôt que c’était de l’appréhension que je ressentais. Au fond, j’avais terriblement envie de partir et confiance en ce qui m’attendait.
J’ai envie de te partager ce que m’a dit un jour Miguel, un ami vénézuélien : « Mon pays a une sale réputation qui lui colle à la peau. Cette image, c’est 1% de la population qui l’alimente avec ses crimes atroces. Les 99% qui vivent tranquillement et ne demandent qu’à rigoler, on n’en parle jamais ».
Évidemment, il y a de l’insécurité, je ne prétends pas le contraire. L’Amérique latine est une terre de drames qu’on a pillée pendant des siècles. Toute sa force et sa beauté résident justement dans les racines qu’on n’a pas réussies à lui couper : parlons plutôt de la Pachamama, de la musique qui fait danser le continent entier, des traditions ancestrales, et des 99% d’une population si accueillante.
En tout cas, si la peur n’évite pas le danger, la prudence (et la confiance, selon moi), nous en protège de façon plus saine.
En cinq ans d’exploration, mes moments d’insécurité (où rien ne m’est arrivé) se comptent sur les cinq doigts de la main, et ma seule mésaventure est le vol de mon porte-monnaie dans un bus, peu après mon départ. Quand j’y repense, je me dis que ça aurait pu être évité si j’avais été plus vigilante, erreur de débutante.
Un conseil : si tu as peur de passer à l’action, que ce soit pour partir à l’étranger ou toute autre chose, demande-toi si c’est la tienne ou celle des autres.
La solitude, la subir ou la choisir
J’annonçais plus haut que la peur est souvent associée à la solitude, pas seulement concernant le voyage d’ailleurs. Pour t’en parler, j’ai eu la curiosité de chercher la définition : du latin solus signifiant « seul », la solitude est l’état, ponctuel ou durable, plus ou moins choisi ou subi, d’un individu qui n’est engagé dans aucun rapport avec autrui.
J’ai aussi cherché quelques synonymes de « seul », le premier proposé est quand-même « abandonné »…
Je pense que ce qui fait peur est en réalité la solitude subie, celle où tu veux de la compagnie, mais Ô malheur, tu n’en as pas. En revanche, la solitude choisie peut être source d’épanouissement personnel. Plutôt que de produire de l’angoisse, elle génère au contraire de l’apaisement. L’attention n’est ainsi plus tournée vers l’extérieur, mais vers l’intérieur.
De quoi a-t-on vraiment peur finalement, des autres ou de soi ? Comme l’a si bien dit Neale Donald Walsch, écrivain américain : « Si tu ne vas pas à l’intérieur, tu vas en manque vers l’extérieur ».
Et l’escapade en solitaire, à l’autre bout du monde ou près de chez toi, est justement une occasion de s’octroyer des moments choisis de solitude. Pour écrire, lire, créer, danser, écouter la mer ou le silence. Couper le brouhaha extérieur pour entendre notre petite voix intérieure. Si j’ai toujours eu besoin de me retrouver seule, j’ai appris au fil des années à l’assumer et à le respecter. Ça fait partie du voyage… intérieur.
Je vais finir sur un aveu : en vadrouille pendant deux semaines avec deux argentines, j’ai eu de la difficulté à me créer des bulles de solitude. Nos routes se sont séparées hier, et même si je me suis sentie triste de les quitter, je suis contente de reprendre la route en solitaire. Enfin façon de parler, puisque j’ai Pedro sur le dos !
En parlant de lui, est-ce que tu voudrais que je te partage mes conseils pour un voyage léger ? Ton avis m’intéresse.
Pour conclure, j’aimerais te partager un extrait d’une leçon du Dalaï-Lama :
« En vérité, il n’y a que deux mots dans le langage de l’âme : la peur et l’amour. S’il y a de la peur, c’est qu’il n’y a pas d’amour. […] La peur empoigne. L’amour lâche prise ».
C’est beau, hein ?